Erich Heckel était déjà un artiste établi en Allemagne, en tant que membre du mouvement expressionniste Brücke groupe, lorsque la Première Guerre mondiale éclata. « Comme beaucoup d’artistes et d’intellectuels, il était enthousiasmé par cette guerre et s’est porté volontaire pour aller au front. Mais heureusement, il était trop vieux, 31 ans en 1914. Il a été refusé», explique Lieven Van Den Abeele.
Infirmière dans les gares de Roulers, Ostende et Gand
Heckel a alors essayé par l'intermédiaire de la Croix-Rouge. Avec plusieurs autres artistes et écrivains, il fut envoyé en Flandre. Elles devaient travailler comme infirmières de la Croix-Rouge dans les gares de Roulers, Ostende et Gand, qui servent de «Krankensammelstelle» ou des centres de triage pour les soldats évacués du front blessés.
Travailler 24 heures, se reposer 24 heures : c'est ainsi que fonctionnait le régime. Outre ses soins infirmiers, Erich Heckel a encore du temps pour ses carnets de croquis, où il « rapporte l’actualité presque comme un journaliste ». Il représente des soldats, des médecins, des collègues infirmiers, des civils. Des visages vaincus, marqués par des expériences traumatisantes. Des garçons sous le choc. Une femme au regard vide à une table de café à Roulers.
« La question n'est pas de savoir s'il était pour ou contre la guerre, nationaliste ou pacifiste », explique Lieven Van Den Abeele. « Erich Heckel était un artiste très humain, doté d'une grande empathie pour les êtres humains. A son premier retour à Berlin, il va rendre visite aux blessés de la ville ; ils le reconnaissent, ils demandent à entendre des histoires du front.
Le matériel artistique est rare dans ces années-là. Heckel et ses amis se contentent de peintures de qualité inférieure et découpent leurs gravures sur bois dans des planches de vieux lambris. Heckel bénéficie d'une liberté de mouvement et effectue des voyages à Bruges, à Gand, dans la région de la Lys et sur la côte.