« Nous sommes en train de devenir un narco-État », prévient un juge belge

La lettre ouverte anonyme est apparue sur le site Internet des cours et tribunaux belges et est adressée au comité restreint de la justice. L'auteur affirme que, sur la base de son expérience pratique, elle souhaite dresser un tableau des défis auxquels nous sommes confrontés et formuler des suggestions concrètes.

Cette image est troublante. « De vastes structures de type mafieux se sont enracinées, devenant un pouvoir parallèle qui défie non seulement la police mais aussi le pouvoir judiciaire », écrit-elle. « Les conséquences sont graves : évoluons-nous vers un narco-État ? Pas question, pensez-vous ? Est-ce exagéré ? Selon notre commissaire aux drogues, cette évolution a déjà commencé. Mes collègues et moi partageons ce sentiment. »

Quatre mois dans une maison sécurisée

Le juge d'instruction écrit qu'un narco-État se caractérise par une économie illégale, la corruption et la violence. Elle cite des exemples des trois phénomènes que nous avons observés en Belgique ces dernières années.

L'auteur de la lettre dit qu'elle a elle-même passé quatre mois dans une maison sûre. « Dans de telles circonstances, le gouvernement ne m'a pas contacté, n'a pas proposé activement de soutien, n'a pas fourni d'indemnisation, n'a pas offert d'hébergement à ma famille et à mes collègues, ni n'a assuré ma famille pour les dommages causés. Et puis vous reprenez là où vous vous étiez arrêté. «Cela vient avec le travail», semble dire mon gouvernement.

Un système judiciaire qui commence à mal fonctionner constitue une dangereuse érosion de la démocratie, tel est le message. « Il devient déjà de plus en plus difficile de trouver des juges disposés à statuer sur de telles affaires. Les gens ciblent souvent l’individu plutôt que le problème, par exemple parfois via des demandes de récusation. Les collègues se laissent remplacer lorsqu'une menace est clairement présente.

« Combien de temps faudra-t-il avant qu'un collègue se sente obligé, pour sa propre sécurité, d'invoquer une erreur de procédure pour ne pas avoir à signer une condamnation ? »

Cinq mesures à court terme

Le juge d'instruction cite cinq points qui peuvent être mis en œuvre à court terme : une législation permettant de travailler de manière anonyme, un interlocuteur permanent pour les magistrats menacés, une assurance pour tous dommages corporels et matériels, la protection des adresses privées et une position ferme sur les communications depuis la prison.

« Malgré tous les efforts de la police et de la justice, nous ne sommes plus en mesure de protéger les citoyens et nous-mêmes. »

« Ce n'est pas une lamentation et nous ne demandons pas non plus d'applaudissements ou de louanges. Nous demandons un gouvernement qui prenne la responsabilité de protéger ses propres fondations», conclut le juge d'instruction. « La question n'est pas de savoir si l'État de droit est menacé. C’est déjà le cas. La question est de savoir comment notre État va se défendre.

Le ministre de l'Intérieur veut une action plus rapide

La ministre belge de la Justice, Annelies Verlinden (démocrate-chrétienne flamande), dit comprendre les vives inquiétudes du juge d'instruction et ajoute qu'elle a déjà pris des mesures et qu'elle prévoit d'autres mesures pour accroître le niveau de sécurité des agents du ministère de la Justice.

« La justice en Belgique relève du domaine public, mais nous travaillons à supprimer les données du registre national, les signatures et les noms de ce qui est rendu public. Des changements dans la numérisation du système judiciaire sont en cours d’élaboration. Cela vaut également pour le personnel pénitentiaire», déclare le ministre.

Mme Verlinden souhaite également que des travaux soient entrepris pour améliorer la sécurité dans les tribunaux. « La sécurité à l'entrée n'est pas garantie partout. Nous demandons à la police d'augmenter sa présence dans les immeubles et nous avons déjà annoncé que le nombre de voies de balayage devait être doublé.

Mme Verlinden a également ordonné des analyses des risques et menaces sécuritaires auxquels sont confrontés les magistrats. «Cette situation est inacceptable. Les gens doivent pouvoir faire leur travail, mais uniquement dans des conditions sûres. Nous devons intensifier nos efforts dans ce domaine.