Dans la Bortiergalerij, les librairies traditionnelles doivent laisser la place aux commerces alimentaires branchés. Une poissonnerie, une boucherie, un débit de bière et un caviste voient le jour. Les projets de la Ville de Bruxelles prévoient également un fleuriste, un café d'art et éventuellement un disquaire dans la galerie. On dit que c'est Thierry Goor, connu pour son marché alimentaire à succès Wolf, qui donne le ton.
Les nouveaux projets ne rencontrent pas une compréhension universelle. « Pour la Ville, il faut que ce soit plus banal, plus bling-bling », déplore Philippe Capart de la librairie et édition Crypte Tonique.
« Il y aura des magasins comme une boucherie et une boulangerie. On comprend la réaction des libraires », répond le bourgmestre de Bruxelles Philippe Close (socialiste/PS francophone). « Mais que sommes-nous censés faire s'ils continuent à faire faillite ? »
Le problème ne se concentre pas uniquement sur cette célèbre galerie de libraires. Plus d'un millier de magasins ont disparu en région bruxelloise depuis 2013 : de 9.704 à 8.700. Dans la Ville de Bruxelles, le nombre de magasins a diminué de 12 pour cent, et à Ixelles même de 17 pour cent en dix ans.
La pandémie a évidemment frappé de plein fouet les magasins, mais elle n’explique pas tout. Le grand revirement était déjà visible avant la pandémie. Les boutiques indépendantes ont succombé à la concurrence des centres commerciaux et des boutiques en ligne.
Dans la Ville de Bruxelles, le nombre de locaux vides a augmenté de 57 pour cent entre 2013 et 2023. Ils représentent aujourd'hui environ 13 pour cent de l'ensemble des locaux commerciaux.
Points de vente d'hôtellerie
Le grand public connaît également une autre tendance. S'il y a moins de magasins réguliers, de nombreux terrains vacants sont occupés par de nouveaux points de vente hôteliers. Alors qu'il y a de moins en moins de magasins de vêtements, de magasins d'électricité et d'autres magasins de détail dans les rues principales, de plus en plus de points de vente d'hôtellerie comme les cafés et les fast-foods ouvrent leurs portes. Depuis 2013, le nombre d'entreprises hôtelières a augmenté de 3 pour cent pour atteindre 5 679 établissements.
La Bortiergalerij ne deviendra peut-être pas de sitôt un marché alimentaire, mais ici aussi, tout tournera bientôt autour de la nourriture et des boissons. Le chercheur Philippe Eiselein de la Haute école spécialisée Odisee considère le sort de la Bortiergalerij comme le signe d'un changement de modèle de consommation. « Les librairies physiques sont en voie de disparition. De plus en plus d'achats sont effectués en ligne. Il existe également une tendance selon laquelle les consommateurs, en particulier les jeunes, ne veulent plus seulement un produit, mais veulent vivre une expérience. Cela correspond beaucoup plus au style de vie actuel et préférences des consommateurs. »
Hamburgérisation du centre-ville
Les observateurs craignent que l’importance croissante accordée à l’alimentation et aux boissons ne menace la diversité de l’offre proposée aux consommateurs. Dans la zone piétonne de la Ville de Bruxelles, les fast-foods ont même fait une telle ascension que l'échevin Fabian Maingain (Démocrate bruxellois/Défi) a dû intervenir pour contrer la « hamburgérisation » du centre-ville. Il s’agit d’une tendance qui s’est également manifestée au cours de la dernière décennie dans d’autres grandes villes.
Un bon mélange de magasins et de restaurants, où règne également une diversité dans l'offre aux consommateurs, tel devrait être l'objectif, estiment des organisations professionnelles telles que la Fédération de l'Hôtellerie Bruxelloise et des experts académiques.