Le ministère de la Justice n'a pas connu de coupes budgétaires drastiques ces dernières années. Le gouvernement fédéral sortant lui a octroyé 581 millions d'euros supplémentaires au cours des quatre dernières années, sur un budget total de quelque 2 milliards d'euros. « Ce n'est pas rien », admet-on au ministère.
Grâce à cet argent supplémentaire, le ministère de la Justice a pu créer des places supplémentaires indispensables dans les prisons, embaucher des milliers de nouveaux employés et dépenser beaucoup d’argent pour la numérisation.
Mais les millions supplémentaires ne suffisent toujours pas, selon le ministère. Le ministère de la Justice a dû faire des économies de 80 millions d’euros, l’inflation a pesé sur les coûts de fonctionnement et les indexations ont fait grimper les salaires. En outre, la demande a continué d’augmenter : davantage de dossiers, davantage de détenus, le besoin de numérisation continue et le coût croissant des bâtiments obsolètes.
« Dans la pratique, les marges de manœuvre budgétaires sont inexistantes », prévient le ministère dans un communiqué. « Nous nous attendons en effet à un déficit de l'ordre de 60 millions d'euros cette année ». Ce n'est pas une bonne nouvelle à l'heure où de lourdes coupes budgétaires sont peut-être prévues dans l'ensemble du gouvernement pour s'attaquer au déficit.
Les prisons ont besoin d’une soupape de sécurité
C'est pourquoi le ministère de la Justice a présenté une liste de souhaits au nouveau gouvernement. Le service y demande « une augmentation structurelle du budget de 250 millions d'euros ». « Avec ce poids supplémentaire, nous pourrons à la fois couvrir les besoins les plus importants et réformer notre organisation. »
Comment le ministère de la Justice compte-t-il réformer son fonctionnement ? Il a quelques idées. Pour les prisons, par exemple : il faut augmenter la capacité et moderniser les bâtiments, mais le ministère de la Justice veut aussi fixer un quota sur le nombre maximum de détenus par prison.
« Il faut savoir clairement à partir de quelle limite aucun détenu ne sera admis dans une prison », explique Sarah Blancke, présidente du comité exécutif du ministère de la Justice. « La première tâche est de s'assurer que tout le monde ait un lit ! »
Et lorsque la surpopulation menace, des mesures juridiques devraient être mises en place pour servir de « soupape de sécurité » : par exemple, toutes les peines courtes devraient temporairement n'impliquer qu'un bracelet électronique, voire une libération provisoire.
Bâtiments proches
Selon le ministère de la Justice, la plupart des plus de 225 palais de justice de Belgique ne répondent plus aux normes actuelles en matière de bien-être et de sécurité. Et faute de moyens financiers suffisants pour les entretenir, ils continuent de se dégrader.
« La presse nous informe régulièrement que des bâtiments présentent des fuites ou que les archives ne sont pas en ordre », explique Blancke. « Nous devons donc nous demander si nous pouvons rénover tous ces bâtiments. Aux Pays-Bas, par exemple, il n'y a que 50 palais de justice. »
Le ministère prévoit de fermer jusqu'à 100 bâtiments au cours des 5 à 15 prochaines années. Le regroupement des tribunaux et les efforts accrus en matière de numérisation devraient permettre de compenser ce manque à gagner. Les économies réalisées permettront de moderniser et d'entretenir les bâtiments restants. « Je pense que tout le monde y gagne », a déclaré Blancke.
Rapport d'audit dévastateur
Si le mémorandum contient des propositions alléchantes, le moment choisi est particulièrement émouvant. Il y a un peu plus d'un mois, la Cour des comptes s'en est prise au ministère. Dans un rapport (provisoire) cinglant, la direction du service a été qualifiée d'«échouée», «passive» et «irresponsable», notamment en ce qui concerne la numérisation.
La Cour des comptes donne des exemples : « le risque de fraude n'est pas suffisamment pris en compte », notamment dans la coopération avec les cabinets de conseil. En outre, le ministère de la Justice ne dispose pas d'une stratégie claire en matière de numérisation et il existe beaucoup d'ambiguïtés, de concurrence mutuelle et de manque de confiance. « En outre, comme il n'y a pas d'évaluation de la durabilité des projets, il existe un risque que des budgets soient actuellement dépensés pour rien », a déclaré la Cour des comptes.
Ce rapport s'ajoute à d'autres rapports qui affirmaient que le ministère de la Justice ne semble pas suivre ses propres règles en matière de contrats et qu'il a depuis longtemps surpayé Bpost pour un immeuble de bureaux. Depuis des années, le ministère investit également dans des salles d'audience modernes dans des prisons qui ne sont que rarement, voire jamais, utilisées, car les avocats et les juges craignent que cela ne compromette la transparence du système judiciaire. Ou, comme l'a déclaré l'avocat John Maes à la fin de l'année dernière, « c'est prendre l'argent du contribuable trop à la légère ».